Les cheveux en bataille d’avoir cuisiné toute la matinée, le teint rougi par la chaleur du four et du soleil qui frappe sur les grandes vitres, Tiffany nous accueille tout sourire chez Farci. La jolie porte en bois de sa boutique n’est pas du tout imperméable à l’ambiance de village et l’atmosphère chaleureuse de la place Saint-Job.
Romane et moi n’avons pas l’habitude de fouler les pavés de ce joli coin d’Uccle. Encore une fois, ce sont nos papilles qui nous ont poussées jusqu’ici. Chez Farci, pas de mauvais jeux de mots, ni de concept abracadabrant : Tiffany confectionne chaque jour, selon son humeur et les arrivages, trois légumes farcis au porc, au poulet ou végétarien, à manger sur le pouce ou à emporter.
Les clients se laissent surprendre ou sont guidés par les images de préparations que Tiffany montre sur son compte Facebook ou Instagram. Pour 9 euros 50, on se régalera de trois farcis, d’un accompagnement et d’une sauce à emporter.
Mais ce jour là, Romane et moi nous asseyons pour manger tout en papotant avec Tiffany. Au menu: une pomme de terre farcie haricots et mascarpone, un chicon farci de haché de porc avec une touche d’orange et enfin une courgette farcie avec du haché au parmesan et du basilic! Sans compter le mascarpone, tout était bio ce jour-là. Comme accompagnement, Romane a choisi des pâtes complètes et j’ai pris les lentilles. Enfin, deux délicieuses sauces maison étaient disponibles, l’une au yaourt et à la menthe, l’autre aux lentilles corail. Une chose révélatrice à retenir de cette expérience? Romane a tout mangé! Il fut un temps où le crumble aux pommes proposé en dessert lui aurait suffit mais ce jour là, nous nous sommes toutes les deux régalées.
Le légume farci est un classique dans de nombreuses familles, mais l’image que j’en avais jusqu’ici était celle d’un plat facile, lourd et même un peu grossier. Chez Farci, il n’en est rien! On découvre de nombreuses saveurs à chaque bouchée et on se régale d’un repas copieux, sain et subtil jusqu’à la fin!
Farci, c’est aussi une épicerie fine, où Tiffany a souhaité mettre en avant des produits artisanaux de qualité. Parmi eux, on retrouve du thé, des confitures, des tapenades, du sel aromatisé, des boissons naturelles ou encore cette petite préparation espagnole dont elle nous vante les mérites. « Ça se sent tellement que c’est artisanal. Le poivron est grillé au feu de bois… Dans le pot, on retrouve même de petits morceaux de brûlé », dit-elle émerveillée. « Ces produits sont fabriqués par des familles ou des gens qui le font depuis des années et super bien. On ne trouve pas ces produits dans a grande distribution, ou difficilement. »
Ancienne papeterie reconvertie
Alors que notre assiette se vide et que nous tentons de couper des parts de légumes de plus en plus petites pour faire durer le plaisir, un homme entre dans « la boutique », à la recherche d’une papeterie qui dans son souvenir, se trouvait ici. Sa mémoire ne lui joue pas des tours. Dans ces lieux, se trouvaient il y a quelques mois encore « Paperland« . « C’était une imprimerie, un endroit où on vendait des cartes de visite, des cartes de vœux », nous explique Tiffany.
Même si elle a dû construire toute une cuisine à la place des bureaux, Tiffany n’a pas souhaité défigurer l’intérieur de la boutique… « J’ai laissé le nom « Paperland » sur le haut de la vitre pour garder l’âme du lieu », explique-t-elle. » Tout l’avant est d’origine. J’ai juste repeint et mis des banquettes! » On l’a comprend! Qui aurait pu jeter ces superbes lampes vert bouteille ou détruire et remplacer les magnifiques étagères en bois de l’épicerie?
« Je ne faisais pas le lien entre ma passion pour la cuisine et un métier »
Aujourd’hui, Tiffany se fond dans ce décor chaleureux et accueillant. Pourtant, il y a quelques années, ni ses amis, ni sa famille, ni même elle ne l’auraient imaginée plantée entre des légumes farcis et les sachets de thé de son épicerie!
« Depuis toute petite je suis totalement fan de la cuisine ! », nous explique-t-elle. « Je regarde les émissions culinaires avec beaucoup d’attention, comme si c’était vraiment intéressant. Quand je regardais Maïté en cuisine, mes potes voulaient toujours zapper mais de mon côté, je trouvais ça vraiment chouette ! »
Malgré ce réel intérêt pour la cuisine, Tif n’a jamais envisagé cette voie pour ses études. « Je n’ai jamais fait le lien avec un métier. Je ne me suis jamais dit ‘ça peut être une voie pour moi' ».
Sans réfléchir,Tiffany a donc suivi la voie conseillée par ses parents. « Ma famille est un peu plus carrée, je devais faire l’université, j’ai donc étudié le droit. Je n’ai pas du tout fait la cuisine à la base ! »
« Pour moi, les livres de cuisine sont comme des livres d’art »
Malgré tout, Tiffany continue inconsciemment de parfaire sa mémoire culinaire. « C’est bête à dire, mais je pense que j’ai vu tellement de préparations et de plats avec des associations tellement différentes dans toutes ces émissions, que je pense qu’une sorte de mémoire s’est créée. Elle s’est créée aussi grâce à tous ces bouquins que j’achète, que je regarde… J’en ai des tonnes! Je ne sais pas m’empêcher d’en acheter ! C’est beau à regarder, pour moi ils sont comme des livres d’art. »
Difficile de quitter le cadre dans lequel évolue sa famille et ses amis. Diplôme en poche, Tiffany a été engagée comme chasseuse de tête.. « Je bossais dans une grosse boite, en mode trash. Mais à un moment donné, je n’en pouvais plus et je suis partie. »
« Mes potes se sont un peu moqués »
Obligée de se prendre en main, Tiffany a décidé de tenter sa chance. « Je me suis dit ‘ok, je me donne un an pour la cuisine. Si ça me plait, je reste si ça me plait pas je m’en vais. »
Malgré son courage, les réactions de son entourage n’ont pas toujours été positives. « Mes potes se sont un peu moqués de moi, gentiment… mais ils ont eu tort ! Ils me disaient que j’allais jouer à la dinette pendant un an. »
Tiffany n’a plus jamais quitté les fourneaux. « J’avais pourtant toujours pensé que ce n’était qu’un hobby, que c’était gai de temps en temps mais que ça m’embêterait d’être en cuisine toute la journée… »
Si elle a petit à petit compris que son hobby pouvait devenir son métier, c’est un peu grâce au restaurant « Les filles, plaisirs culinaires », où elle a travaillé durant deux ans et demi. « C’est là que j’ai appris à utiliser et maîtriser les bons produits », précise-t-elle.
« On décide de l’énergie qu’on veut mettre dans son travail »
« Je me suis vraiment rendue compte que j’adorais ça mais surtout, j’ai eu un sentiment d’être avec de vrais gens. » En cuisine, Tiffany a trouvé comment faire de sa passion un métier, ce qu’elle ne pouvait pas réaliser dans son ancienne boîte.
« Les gens qui travaillent en cuisine le font par passion. C’est un métier très difficile. Du coup, tu sais que ces personnes sont là pour une raison, pas là pour uniquement gagner de l’argent. L’argent n’est pas leur seul objectif et par conséquent, ils mettent plus d’eux même. On décide de l’énergie qu’on veut mettre dans son travail et ces gens-là mettaient énormément dans leur boulot. Ça les rendait plus humains à mes yeux. »
Pour Tiffany, ça a été un déclic. « Chez Les Filles, j’ai travaillé très dur. J’adorais ce travail même si j’étais fatiguée. Je me suis dit ‘Si tu travailles aussi dur, avec des horaires de malade, et que tu aimes ça, c’est que c’est fait pour toi.’ Après avoir fait cette expérience je me suis dit go, je me lance ! »
« A la base, je voulais faire des dim-sum ! »
Même si aujourd’hui, tout semble cohérent pour Tiffany, son parcours jusqu’au Farci ne s’est pas fait en un jour. « C’est vraiment un chemin qui s’est fait, j’ai énormément pensé et réfléchi. A la base, je voulais faire des dim-sum ! », nous confie Tiffany.
« J’ai eu tellement de problèmes »… se rappelle-t-elle. « J’avais déjà quitté les filles depuis un mois. Au et fur et à mesure des essais, je n’obtenais jamais ce que je voulais. »
« Je commençais doucement à déprimer, il y avait un tas d’obstacles face à moi : je voulais faire de la nourriture sans gluten et tout faire à la main mais cela avait un coût et ça demandait du personnel. J’étais de plus en plus mal…. Alors je me suis dit ‘stop il faut que je lâche cette idée’. »
« C’est vraiment un produit zéro défaut ! »
Tiffany a alors pensé à retourner chez Les Filles, jusqu’à ce que lui vienne une autre option. « Je me suis arrêtée et j’ai réfléchi : ‘Quelle est la chose qui répond à tous mes problèmes?’ J’ai cherché, parce que je me disais que le produit qui répondait à tous mes problèmes devait exister. »
Et là, ce fut l’illumination : ce produit parfait, c’était le farci, pardi !
« C’est vraiment un produit zéro défaut ! », nous explique Tiffany , les yeux farcis d’étoiles. « Il suit les saisons, il peut être bio, sans gluten et créatif. Il ne produit quasiment pas de déchets… je déteste jeter de la nourriture ! Grâce au farci, j’utilise tout le légume, que cela soit dans des sauces ou dans la farce. » Cerise sur le gâteau, il se transporte facilement et se conserve bien.
« Mon objectif: redéfinir les codes du Farci »
Le farci est un produit familial, connu et apprécié de tous, mais pour se démarquer de la cuisine de mamie, Tiffany a fait appel à sa créativité. Désormais, les milliers d’informations semées dans sa mémoire durant tant d’années peuvent enfin porter leurs fruits.
« Aujourd’hui, mon objectif est de redéfinir les codes du Farci », annonce Tiffany. On sent bien que bouillonne en elle des centaines d’idées qu’elle est impatience de coucher sur papier sulfurisé.
« Dans ma cuisine, les choses viennent d’elle-même mais, un peu de nulle part », explique-t-elle. « Mon livreur a les clés et dépose tout ici pendant la nuit. Lorsque j’arrive le matin, j’ai un tas d’herbe devant moi. J’ouvre la porte et c’est comme si c’était Noël! Tout est là, je regarde ce dont je dispose et tout se met dans ma tête. Tel légume irait bien avec autre chose, il me reste de la moutarde, je peux l’associer avec ça… J’ai des noix de cajou ça ira bien aussi… »
Tiffany compose ses farcis au jour le jour. « J’improvise tout le temps, c’est ça qui fait que j’aime ce que je fais. Si je devais faire tout le temps la même chose, je pense que je m’embêterais et que je deviendrais folle. »
Des idées, Tiffany n’en manque pas. « Il faut que j’arrive à jongler entre la nouveauté et les recettes qui fonctionnent bien que j’ai déjà notées. J’ai quelques best-sellers », se réjouit-elle. « L’oignon poulet pomme ou encore le choux farci avec du lardon… celui-là, il plait aux hommes ! »
« Le bio, t’as pas besoin de t’habiller comme un hippie pour l’apprécier! »
« Quand leur compagne les emmène ici, les hommes se disent « ah, vous voulez encore me faire bouffer du quinoa! » Mais non, ce n’est pas que ça! », réplique Tiffany avec le sourire.
« On parle toujours du bio-punition, du bien manger-punition. Je ne suis pas d’accord. NON, le bio, ça peut être une jouissance, ça peut être gourmand, ça peut être plein de choses. Ça aussi, je l’ai appris chez les filles. Le bio, t’as pas besoin de t’habiller comme un hippie pour l’apprécier! »
Mais Tiffany ne cherche pas à obtenir un label pour son magasin. « Tous mes légumes sont bio mais si j’ai fait ce choix c’est pour la qualité. Je sais que c’est meilleur. Je ne suis pas braquée bio, on peut le voir dans les produits de l’épicerie. »
Manger chez farci était loin d’être une punition… Même si la présence joyeuse, accueillante et sincère de Tiffany pourraient agréablement vous faire avaler n’importe quoi! Chez Farci, pas besoin de grandes théories. Promis, la passion et le talent de Tiffany vous combleront, sans chichis.
Farci
Chaussée de Saint Job, 666, 1180 Uccle
Ouvert tous les jours sauf le mardi
Farci.be
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